23/05/2007

Des blogs pour la promotion du livre ...

Dans "La Monde des Livres" - paru le 10.05.07

"Les premiers albums seront en vente le 15 mai. Regards croisés, de Gilles Aris et Thomas Cadène, Missing, de Will Argunas, Elle(s), de Bastien Vivès... inaugurent le nouveau label de bandes dessinées KSTR (prononcer Kaster) lancé par les éditions Casterman, qui s'appuie sur un soutien éditorial d'Internet.

Didier Borg, son responsable, a d'abord créé un site (www.kstrbd.com) un an avant la sortie des titres. "J'ai utilisé Internet pour bâtir l'identité de KSTR, explique-t-il. Une communauté s'élabore, qui rassemble des auteurs et des lecteurs ayant les mêmes goûts, musicaux, cinématographiques ou comportementaux." Dans le cas présent, KSTR compte attirer le public des 15-25 ans. Pour apporter une touche personnelle à ce nouveau label, un format atypique, 17×25 cm, à mi-chemin entre la BD franco-belge et le manga, a été retenu. Presque tous les nouveaux auteurs ont été découverts sur la Toile.

Que ce soit par l'entremise de blogs ou de sites consacrés à un auteur, à un titre ou à une collection, Internet devient d'un usage de plus en plus répandu. Ainsi, en amont du lancement de son livre Papillon des étoiles, paru à l'automne 2006 chez Albin Michel, Bernard Werber avait sélectionné 35 "blogueurs influenceurs" qui avaient pour rôle de faire connaître le site créé avec le titre de l'ouvrage. Cela a servi de lieu d'échange avec les lecteurs et de promotion.

Pour Un délicieux carnage, de Philippe Ulrich, paru le 7 mars chez Gutenberg, Internet a aussi été au coeur de la campagne marketing. Deux sites - l'un portant le nom de l'ouvrage et animé par l'auteur, l'autre sur MySpace - permettaient aux internautes d'entrer dans l'univers d'Albert le Dingue, le héros déjanté du roman. Avec 25 000 connexions, la fréquentation a été satisfaisante, mais l'impact sur les ventes faible.

Dans le cas de Babel minute zéro, un thriller dans la veine de la série télévisée "24 heures", c'est l'auteur, Guy-Philippe Goldstein, passionné d'Internet, qui a proposé à son éditeur, Denoël, de créer un site à partir du livre. "Si on publie, c'est pour établir un dialogue", explique-t-il. Il a créé un blog fictionnel à partir de Julia, le personnage principal de son roman. Avec 500 visites par jour environ, il doit assurer un suivi quasi quotidien, ce qui devient très chronophage. "J'ai identifié un noyau de fidèles qui viennent régulièrement", dit-il.

L'Ancre des rêves est un premier roman de Gaëlle Nohant, 34 ans. Paru chez Robert Laffont en mars, il est depuis discuté, critiqué, analysé sur le Net. Plus d'une vingtaine de blogs en parlent. Son auteur tient aussi un blog (cafedegaelle.blogspot.com). Ceci explique sûrement cela, mais, chemin faisant, le livre se vend.

Chez Héloïse d'Ormesson, maison d'édition créée il y a deux ans, l'équipe éditoriale se montre particulièrement attentive à ces nouveaux modes de promotion. Une dizaine d'auteurs (Lucia Etxebarria, Pierre Pelot, Abha Dawesar...) ou de titres disposent d'un blog ou d'un site particulier. Le bouche-à-oreille sur la Toile s'est révélé très efficace pour Elle s'appelait Sarah, de Tatiana de Rosnay, qui s'est prêtée au jeu avec entrain.

SITES À FORT CONTENU

Certains écrivains viennent spontanément à la rescousse d'autres auteurs. Ainsi Thomas Clément, qui a écrit plusieurs romans - dont Les Enfants du plastique publié par Le Diable Vauvert - tient un blog littéraire où il livre un "coup de coeur total". Son dernier en date est allé à Torturez l'artiste ! de Joey Goebel (éd. Héloïse d'Ormesson).

Le phénomène gagnant du terrain, certaines maisons ont décidé d'investir des sommes non négligeables dans la création de sites d'auteur. Selon Anne Chamaillard, directrice de la publicité chez Belfond, "le budget moyen d'un site correct s'élève à 15 000 euros". Belfond a profité du lancement de Promets-moi, pour ouvrir un site consacré à l'auteur, Harlan Coben, et à son oeuvre. L'éditeur vient de récidiver avec Douglas Kennedy, dont le roman La Femme du Ve est sorti le 3 mai en France. A chaque fois, il s'agit de sites à fort contenu qui permettent aux fans de découvrir d'autres aspects de la vie ou de l'oeuvre de leurs écrivains favoris.

Une réflexion similaire est engagée depuis quelques années chez Gallimard. La maison accompagne ses auteurs dont les livres se prêtent à des blogs ou à des sites, comme Une exécution ordinaire de Marc Dugain, Rosebud de Pierre Assouline ou Partir de Tahar Ben Jelloun.


Dans la foulée du succès mondial de Harry Potter, Gallimard a acquis un vrai savoir-faire dans le domaine de la jeunesse. La sortie du quatrième tome du Clan des Otori de Lian Hearn a été orchestrée sur le Web, avec un jeu concours, de la documentation et des animations. Plus généralement, Gallimard développe une politique de promotion en ligne du contenu de ses collections, comme pour les "Découvertes Gallimard". La maison a aussi créé des "sites compagnons", par exemple www.onlitplusfort.com, relié à Folio junior.

La Toile est donc en passe d'opérer une petite révolution éditoriale. D'un côté, elle devient au même titre que l'affichage, la radio et la presse, un véritable média pour la promotion des livres. De l'autre, elle provoque de vrais échanges entre auteurs et lecteurs."

Alain Beuve-Méry

Les commentaires sont fermés.