03/07/2007
Producteurs et diffuseurs réagissent à l'emprise d'Internet
Paru dans LE MONDE 02.07.07
"LA ROCHELLE ENVOYÉES SPÉCIALES
"Est-ce la fin de la "télévision de papa" ? Les oeuvres audiovisuelles sont-elles en train de se déplacer vers les nouveaux écrans tels l'Internet, les vidéoblogs ou les téléphones portables ? Ces questions ont été au coeur des débats de la 18e édition du Sunny Side of the Doc, le marché du film documentaire qui s'est tenu du 25 au 29 juin à La Rochelle, en présence de quelque 2 000 professionnels, venus de 46 pays.
Les grandes chaînes généralistes voient, en effet, leur audience vieillir et s'éroder. "Aujourd'hui, les chaînes américaines et asiatiques ne financent les projets que s'ils sont en haute définition et s'ils offrent un potentiel de développement sur le Net", observe Yves Jeanneau, délégué général du Sunny Side of the Doc.
De grands groupes - BBC, Discovery ou TF1 - sont en pleine restructuration. Signe de ce bouleversement : sur les 331 responsables de chaînes ou acheteurs de programmes présents au Sunny Side, 126 étaient de nouveaux venus, attentifs aux "new medias".
Les Coréens de KBS conçoivent des documentaires pour le portable, en s'appuyant sur les derniers modèles de téléphones mobiles dotés d'écrans déployables. En Grande-Bretagne, ITV, chaîne commerciale comparable à TF1, a fait appel à Roger Graef, documentariste reconnu, pour créer sur son site Internet une série de 75 documentaires de trois minutes, Weblives. "Certains professionnels britanniques, inquiets devant les bouleversements actuels, ont tendance à y parer en faisant appel à des stars et à des sujets grand public, explique-t-il. Il reste donc un terrain immense pour de vrais documentaires, adaptés à l'interactivité du Net."
Weblives propose des portraits de personnes dont l'Internet a changé la vie, sur le plan amoureux, social ou artistique. Les spectateurs sont invités à envoyer des commentaires et à voter pour leurs favoris. En France aussi, où les sites de partage du type Dailymotion (1,5 million de connexions par jour !), YouTube, Watt, etc., grignotent l'audience des télés traditionnelles, producteurs et diffuseurs se mettent à concevoir des programmes destinés à être diffusés sur différents types d'écrans.
"Il faut avoir une approche globale quand bien même on ne peut pas proposer les mêmes contenus sur ces supports divers", estime Jérôme Caza, président de la société de production 2P2L, qui veut "toucher à toutes les écritures, à tous les formats".
Pendant la présidentielle, 2P2L a conçu pour Yahoo un "événement vidéo", jepreside.fr, sorte de faux JT où l'internaute pouvait se voir proclamé président. "Pour le moment, il n'y a ni économie ni marché, mais il s'agit de ne pas rater le train", explique Jérôme Caza. Il s'apprête à signer un accord avec la plate-forme de programmes Joost, qui devrait être lancée en juillet. L'internaute pourra retrouver sur Joost une partie des productions de 2P2L, libres de droits.
En septembre, France 3 diffusera deux documentaires d'Yves Jeuland, Comme un juif en France et Dans la joie et la douleur, accompagnés de "compléments spéciaux pour le site Internet de la chaîne", annonce Muriel Rosé, directrice de l'unité documentaire.
Si les modèles de financement de ces films sont encore incertains, Yves Jeanneau estime que tous ces nouveaux réseaux favorisent la création : "La préparation d'un documentaire d'investigation est longue et onéreuse. Il faut tourner beaucoup d'images pour n'en garder qu'une partie. Or, ces nouveaux médias permettent d'accueillir celles qui n'ont pas été retenues mais qui sont porteuses d'information. Ils développent une interactivité, par la vidéo, les photos, les chats et les différents liens qu'ils peuvent offrir."
Le producteur Christophe Nick, qui tourne actuellement, pour France 2 et France 5, une série documentaire sur la Résistance française, envisage ainsi de livrer sur Internet les trente heures d'entretiens avec des historiens qui lui ont servi à écrire son film. France 5 poursuit activement ses développements Internet en lançant en septembre un "wiki" du documentaire, sur le modèle de l'encyclopédie en ligne Wikipédia. France 2, de son côté, va ouvrir un nouveau site dédié au documentaire pour "accompagner, valoriser et promouvoir" les oeuvres mises à l'antenne.
La chaîne entend constituer sur le Net une "antenne propre dédiée à d'autres types d'écriture, explique Fabrice Puchault, chargé des documentaires sur France 2, afin de faire face à l'emprise du Net sur les jeunes générations". Aux Etats-Unis, 20 % des moins de 25 ans ne regardent jamais la télé sur un poste de télévision."
Par Catherine Bédarida et Sylvie Kerviel
13:57 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : VOD
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