11/05/2007

Pistes d'explications du succès des blogs

Il est toujours un peu vain d’expliquer les raisons d’un succès.

Il en est de préalables - et d'autres objectives qui semblent souvent incontestables. Elles rappellent la réponse de cette jeune interviewée au journal de 20h00 :
« - Pourquoi pensez vous que l’opération le cinéma 18 heures, 18 francs remporte un tel succès ? »
- Eh ben, parce que c’est pas cher et puis c’est pas tard ! »
Indéniable certes, mais la réponse n’en conserve pas moins sa part de mystère.

La première raison du succès des blogs repose sur une condition préalable et nécessaire : Internet est maintenant ancré dans nos pratiques quotidiennes.

La majorité de la population française surfe. La dernière étude de Médiamétrie (janvier 2007) révèle que 29 961 000 français se sont connectés à Internet, soit 57,4% de la population, contre 27 210 000 (52,5%) un an plus tôt. Le temps mensuel moyen par visiteur unique consacré au web est de 22h 27mn. On reste loin des performances obtenues par la télévision – 5h 37 par jour – mais de la sphère privée à la sphère professionnelle Internet est partout.

Les conditions de consultation se sont fluidifiées, multipliées, simplifiées et les taux d’équipement grimpent. Au 4ème trimestre 2006, plus de 14 millions de foyers français (soit 54,9 %) sont équipés d'un micro-ordinateur, ce qui représente une augmentation de 13% en un an. Sur la même période, plus de 11 millions de foyers français (44,3%) ont eu accès à Internet, soit une progression de 19% en un an. Parmi la population internaute, 89,1% sont connectés à domicile en haut débit, soit un bond de 28% entre décembre 2005 et décembre 2006.

Par ailleurs, créer son blog : c’est simple et c’est rapide. En quelques clics et en quelques minutes, sans engagement, sans contrôle, vous choisissez vos codes personnels, votre propre adresse et votre blog est créé. L’internaute est guidé, de pages en pages, sans arguties technologiques : on ne dit pas comment ça marche, ni comment c’est fait … mais c’est bien fait et ça marche. Les outils sont généralement conviviaux, à la portée de tous ceux qui voudraient s’essayer à l’exercice.

Simple, rapide et pour former le trio gagnant … le blog est aussi gratuit. Même si des services premiums sont proposés, plus riches en fonctionnalités, le ticket d’entrée reste généralement offert.

Là où le web 1.0 imposait encore un certain niveau d’expertise ou de ressources pour se lancer dans la création et l’animation d’un site, le blog permet à tous d’éditer, de publier librement et sans contraintes d’aucune sorte.

Une technologie performante bien marketée ne suffit pourtant pas à assurer le succès. Les promesses induites par le produit comptent au moins autant. Les plates-formes de blogs n’en font aucune. Elles fournissent l’outil, en ce qui concerne l’usage, le blogueur reste totalement autonome. Mais on obtient ici au moins trois choses qui semblent séduire : la liberté, la visibilité et l’échange.

Créer son blog, c’est créer son espace de liberté. Pas de contrôle, pas de censure, pas de tabous. Tous les sujets sont ouverts, tous les tons sont autorisés, tous les formats sont possibles. De manière générale, il s’est créé un ton assez uniforme sur l’ensemble des blogs. La première personne se déploie : on se livre, on se confie, on donne, sans complexe, sa vision des choses. Le ressentie prend volontiers le pas sur l’analyse. On se tutoie, on s’interpelle, le ton souvent est familier, plus proche du parlé que de l’écrit. Quelle que soit la thématique générale, le sujet traité, les blogs ont gardé leur forme de carnet intime qui permet de parler de tout, de manière décontracté. Quant à l’emploi des supports multimédias, ils tiennent de la production familiale : pas de mise en scène, on ne redoute pas les plans fixes, les tenues sont décontractées, les décors ceux du quotidien, ni montage, ni maquillage. Pourtant, créer son blog s’est aussi se mettre en scène et se proposer au regard de l’autre. Il y a un narcissisme latent dans tout blogueur. La thèse peut se défendre. Toutefois, l’exercice n’est pas sans risque. Car si on se prête au regard de l’autre celui-ci ne manque pas de réagir … et les réactions peuvent être rapides, nombreuses et sans ménagement.

Parmi les auteurs à envisager le phénomène des blogs comme révélateur de tendances générationnelles plus profondes, Thierry Maillet défend la notion d’une « génération participation ».

Selon lui, il existe une génération unie par un système de valeurs et qui viendrait défier les valeurs de la société de consommation. Un individu hypermoderne, saturé par « l'hyper choix » et demandeur d'échanges horizontaux avec ses pairs sur le Web et le mobile. Habituée à l'abondance de l'information, cette génération s’approprierait la valeur d'usage des outils pour produire « du rêve ou de l'émotion ». Obligés de penser la vie autrement, ses membres auraient trouvé dans les nouvelles technologies le vecteur nécessaire. Au-delà des classes d’âges, des centres d’intérêt, des notions de CSP, selon Thierry Maillet la blogosphère serait le reflet le plus frappant de cette nouvelle réalité sociale.

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